Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/123

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dépouillée et saisie par les cheveux, a été conduite, traînée avec dérision à travers le carrefour, et ensuite renfermée dans un lieu où, si elle n’était pas chargée de liens, qui moins elle n’était pas libre. Survenant le jour de Pâques, fête qui se célèbre dans tous les siècles, le pontife offrit une rançon pour la prisonnière, afin qu’elle assistât au baptême ; mais il ne put rien obtenir par ses supplications. Chrodielde répondit qu’elle n’avait ni su ni commandé un tel forfait, et assura encore que c’était sur le signe qu’elle-même avait fait, qu’on avait obtenu des siens de ne pas tuer l’abbesse ; d’où l’on doit regarder comme certain ce qui est donné à entendre à cet égard ; et ce qui ajoute à la cruauté, c’est qu’on a massacré, sur le tombeau de sainte Radegonde, un serviteur de son monastère qui y avait cherché un refuge ; et ces forcenés, toujours plus criminels, ne lui ont point accordé de salut. Ensuite ils entrèrent dans le monastère et le prirent, et refusant d’obéir aux injonctions de leurs supérieurs qui commandaient que ces séditieux fussent mis en justice, ils résistèrent à main armée aux ordres du roi, et s’élevèrent furieusement à coups de traits et de lances contre le comte et le peuple ; ensuite de quoi, sortant pour se présenter en public, ces filles ont, secrètement et à tort, indécemment et criminellement, tiré de l’église la sainte croix qu’elles ont ensuite été forcées d’y remettre : tous crimes reconnus capitaux, qui n’ont point été réprimés, mais se sont au contraire continuellement accrus de nouveaux crimes ; et nous leur ayant dit qu’elles devaient demander à l’abbesse pardon de leurs fautes, et réparer le mal commis par leurs ordres, elles n’ont