Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

graisse d’oursins ; comme on vit que c’était des instruments de maléfices, on ordonna que le tout fût jeté dans la rivière. On lui ôta sa croix, et on lui donna ordre de sortir du territoire de Paris. Mais lui s’étant fait une autre croix, recommença à exercer ses pratiques ordinaires. Il fut pris par l’archidiacre, chargé de chaînes, et on le fit garder. En ces jours-là, j’étais venu à Paris, et avais mon logement à la basilique de saint Julien martyrv. La nuit suivante, le misérable avant échappé à ses gardes, vint avec ses chaînes dans la basilique de Saint-Julien, se jeta sur le pavé à l’endroit où j’avais coutume de me tenir, et accablé de sommeil et de vin, il s’endormit. Ignorant la chose, comme je m’étais levé au milieu de la nuit pour rendre grâces au Seigneur, je le trouvai dormant : il répandait une telle puanteur qu’elle surpassait celle de tous les cloaques et de tous les privés. Cette puanteur m’empêcha d’entrer dans la sainte basilique. Un des clercs étant arrivé s’efforça, en bouchant ses narines, de l’éveiller, sans pouvoir en venir à bout, tant ce misérable était rempli de vin. Alors vinrent quatre clercs qui l’enlevèrent à force de bras, et le jetèrent dans un coin de la basilique ; puis apportant de l’eau, ils lavèrent le pavé, y répandirent des herbes odoriférantes, et j’entrai pour accomplir mes prières ordinaires ; cependant nos chants ne purent le réveiller, jusqu’à ce que le soleil revenu sur la terre dardât ses rayons du plus haut du ciel ; alors je le rendis à l’évêque, sous la promesse qu’il ne lui serait pas fait de mal. Les évêques s’étant rassemblés dans la ville de Paris, comme nous racontions la chose à table, nous ordonnâmes qu’on le fit