Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/210

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portait. Les eaux du fleuve sortirent de leur lit et retournèrent en arrière, car cet endroit était des deux côtés serré par des montagnes, entre lesquelles le torrent coulait par un lit étroit. Le fleuve inonda donc la partie supérieure de son cours, et engloutit, renversa tout ce qui s’y trouvait ; ensuite de quoi les eaux amoncelées se précipitant de nouveau, surprirent inopinément, comme elles l’avaient fait plus haut, les habitants du pays situé plus bas le long de la rivière, les noyèrent, renversèrent leurs maisons, emportèrent les chevaux et tout ce qui se trouvait sur la rive, bouleversant et ravageant tout par une inondation violente et subite jusqu’à la ville de Genève. On dit qu’il s’assembla dans cette ville un tel amas d’eau, qu’elle passa par-dessus les murs ; cela n’est pas difficile à croire, parce que, comme nous l’avons dit, le Rhône en ces endroits coule dans un défilé entre des montagnes, et lorsqu’il est arrêté, ne trouve pas sur les côtés de passage par où il puisse s’écouler. Il emporta aussi les débris de la montagne renversée, et la fit tout à fait disparaître. Après cela trente moines de l’endroit où était tombé le château vinrent, et fouillant la terre sur la partie de la montagne demeurée debout, y trouvèrent du fer ou de l’airain. Pendant qu’ils y étaient occupés, ils entendirent la montagne recommencer à mugir comme auparavant ; mais y étant demeurés retenus par une âpre cupidité, la portion qui n’était pas encore tombée se renversa sur eux, les ensevelit et les fit périr, et on ne les a plus retrouvés depuis. Cette région fut ainsi effrayée par de grands prodiges avant la mortalité qui se déclara en Auvergne, car plusieurs fois il parut autour du soleil