Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/445

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ment en grâce auprès d’eux qu’elle en obtint sa liberté, et fut laissée à ses volontés. Si quelqu’un éprouvait quelque vol ou quelque autre perte, elle déclarait aussitôt où le voleur était allé, à qui il avait remis son vol, ou ce qu’il en avait fait. Elle amassait chaque jour de l’or, et de l’argent, paraissant avec des vêtements pompeux, de sorte que, les peuples croyaient qu’il y avait en elle quelque chose de divin. La nouvelle en étant parvenue à Agéric, évêque de Verdun, il envoya quelqu’un pour l’arrêter. Lorsqu’elle fut arrêtée et amenée vers lui, il comprit, d’après ce que nous lisons dans les Actes des Apôtres, qu’elle avait un esprit de Python[1]. Lorsqu’il eut prononcé sur elle l’exorcisme, et oint son front de l’huile sainte, le démon cria et découvrit au pontife ce que c’était ; mais comme il ne put chasser le démon de cette femme, il lui permit de s’en aller. Voyant qu’elle ne pouvait habiter dans ce lieu, elle alla trouver la reine Frédégonde, auprès de laquelle elle se cacha.

Cette année, presque toute la Gaule fut accablée de la famine : beaucoup de gens firent du pain avec des pépins de raisin, des noisettes et des racines de fougère desséchées et réduites en poudre : on y mêlait un peu de farine ; d’autres firent de même avec du blé encore vert : il y en eut même beaucoup qui, n’ayant pas de farine, cueillaient différentes herbes, et après les avoir mangées, mouraient enflés ; plusieurs moururent consumés par la faim. Les marchands pillaient alors le peuple d’une manière criante, tellement qu’ils donnaient à peine, pour un triasxliv, une mesure de froment ou une demi-mesure de vin.

  1. Act. des Ap. chap. 16, v. 16.