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UN PARFUM À SENTIR
OU
LES BALADINS[1].

(conte philosophique, moral, immoral ad libitum.)


DEUX MOTS.

Ces pages écrites sans suite, sans ordre, sans style, doivent être ensevelies dans la poussière de mon tiroir. Si je me hasarde à les montrer à un petit nombre d’amis, ce sera une marque de confiance dont je dois avant tout leur expliquer la pensée.

Mettre en présence et en contact la saltimbanque laide, méprisée, édentée, battue par son mari, la saltimbanque jolie, couronnée de fleurs, de parfums et d’amour, les réunir sous le même toit, les faire déchirer par la jalousie jusqu’au dénouement qui doit être bizarre et amer, puis ensuite, ayant montré toutes ces douleurs cachées, toutes ces plaies fardées par les faux rires et les costumes de parade, après avoir soulevé le manteau de la prostitution et du mensonge, faire demander au lecteur : à qui la faute ?

La faute, ce n’est certes à aucun des personnages du drame.

La faute, c’est aux circonstances, aux préjugés, à la société, à la nature qui s’est faite mauvaise mère.

Je demanderai ensuite aux généreux philanthropes, qui n’ont d’autres preuves du progrès intellectuel que les chemins de fer et les écoles primaires, je leur demanderai à ces heureux savants, s’ils ont lu mon conte, quel remède ils apporteraient aux maux


  1. 1er  avril 1836.