Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/97

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meurtrir tes seins ! Je sais bien, tu ne m’as jamais rien fait, tu es peut-être meilleure qu’une autre, mais enfin tu me déplais, je te souhaite du mal, c’est un caprice. D’abord, pourquoi pleurer toujours ? avoir un air si sombre, une démarche si déplaisante, une tournure qui me fait bisquer enfin ? Et puis, toujours geindre et se lamenter ! Eh bien, morbleu ! pourquoi ne t’en vas-tu pas d’avec nous ? car nous te nourrissons et ce n’est jamais pour toi que nous recevons de l’argent. Tes enfants, dis-tu ? Eh bien, le bureau les ramassera bien ; moi, à ta place, je ferais la vie, au moins… Ah ! non, t’es trop laide ! Oh ! mais, quand je vois tes yeux de chat à travers ton masque, qué figure qui me déplaît !

Il quitta son air en colère et partit en riant aux éclats.

Isabellada, épuisée, demanda à Pedrillo à s’en aller, et en quittant le bal elle s’appuya sur son bras langoureusement, laissa voir sa gorge décolletée et son dos couvert d’une odeur odoriférante.

On l’applaudit encore.

VIII

Pedrillo, en effet, laissa seule Marguerite et alla du côté de la ménagerie. Isambart les laissa tranquilles, se coucha vite et ne se réveilla que le lendemain, à 1 heure d’après-midi.

Le domino noir ôta son masque qui l’étouffait, et resta le coude appuyé sur la table, regardant brûler la chandelle, et enfoncée dans les souvenirs du bal. Les paroles d’Isambart lui revenaient à l’esprit, elle entendait son rire éclatant, perçant à travers son masque.

C’était le souvenir de la danse d’Isabellada qui lui faisait mal, tous ces applaudissements pour une autre,