Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/289

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Une princesse palmyrienne vint un soir me trouver, elle m’offrait des trésors qu’elle savait être en des tombeaux, si je voulais m’en retourner avec elle en son pays ; une prêtresse d’Isis, désespérée, se tua sur l’autel avec le couteau des sacrifices, et le gouverneur de Cilicie, qui m’avait aperçu un matin achetant des colombes au marché, quand il eut épuisé toutes ses promesses, me menaça de me faire mourir ; mais c’est lui qui mourut, trois jours après, assassiné par les Romains.

damis
à saint Antoine, le frappant du coude.

Hein ? quand je vous disais !… quel homme !

apollonius.

Pour me fortifier dans la sagesse j’ai d’abord, pendant quatre ans, observé le silence absolu des Pythagoriciens ; la douleur la plus imprévue ne m’arrachait pas un soupir ; au bruit qui se passait derrière moi je ne détournais plus la tête, et au théâtre, quand j’entrais, on s’écartait de moi comme d’un fantôme.

damis.

Auriez-vous fait cela, vous ? il fallait une grande vertu, n’est-ce pas ?

apollonius.

Le temps de mon silence accompli, j’entrepris de rétablir les rites afin d’en instruire les prêtres, qui avaient perdu la tradition, et je formulai cette prière : « Ô dieux ! donnez-moi ce qui me convient ! »

antoine.

Comment ? dieux, les dieux ? que dit-il ? il n’est donc pas chrétien ?

damis.

Il ne l’était pas dans ce temps-là… Laissez-le poursuivre, taisez-vous, vous interrompriez se idées.

apollonius.

Alors je suis parti pour connaître toutes les religions, pour consulter tous les oracles ; j’ai devisé avec les gymnosophistes de l’Inde, avec les devins de Chaldée, avec les mages de Babylone ;