Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/290

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j’ai vu des pays où le soleil se lève à gauche, j’ai entendu dans les cavernes le chant des griffons qui gardent l’or, je suis monté sur les quatorze Olympes, j’ai sondé les lacs de Scythie et j’ai mesuré l’étendue du désert.

damis.

C’est pourtant vrai tout cela, j’y étais aussi.

apollonius.

J’ai d’abord été depuis le Pont jusqu’à la mer d’Hyrcanie, j’en ai fait le tour ; par le pays des Baraomates, où est enterré Bucéphale, cheval d’Alexandre, je suis redescendu vers Ninive. Aux portes de la ville il y avait une statue de femme habillée à la mode des barbares : c’était la fille d’Inacchus, qui portait sur le front deux petites cornes naissantes. Comme j’étais à la considérer, un homme s’approcha.

damis.

C’était moi ! c’était moi, mon bon maître ! Oh ! comme je vous aimai tout de suite ! vous étiez plus doux qu’une fille et plus beau qu’un dieu.

apollonius
sans l’entendre.

Il voulait m’accompagner, disait-il, pour me servir d’interprète dans les pays étrangers lointains.

damis.

Mais vous me répondîtes que vous compreniez tous les langages et que vous deviniez toutes les pensées. Alors j’ai baisé le bas de votre manteau, et je me suis mis à marcher derrière vous.

apollonius.

Ayant dépassé Ctésiphon, nous entrâmes sur les terres de Babylone ; les gardes, à qui j’avais refusé de dire mon nom, me menèrent au satrape de la province.

damis.

Il poussa un cri en voyant un homme si maigre.