Mon pauvre cochon ! mon pauvre cochon !
Prends garde ! tu vas tomber dans ma gueule ! Je suis le Dévorateur universel, le fils des volcans nourri de lave et de soufre ! Les rochers où je me pose éclatent, les arbres où je m’enroule s’enflamment, la glace se fond à mes regards et, quand je passe par les cimetières, les os des morts se mettent à sauter dans leur sépulcre, comme des châtaignes dans la poêle. J’ai bu la rosée des prairies, la sève des plantes, le sang des bêtes. Je bois du feu. Le feu m’attire. Il faut que j’avale ta moelle, que je pompe ton cœur. J’ai deux dents, une en haut, une en bas. Tu vas sentir comme elles pincent !
Je cours après les hommes. Je les saisis par les reins et je leur bats la tête contre les montagnes pour en faire jaillir la cervelle. Je sue la peste, je crache la grêle. C’est moi qui dévore les armées, quand elles s’aventurent dans le désert.
Mes ongles sont tordus en vrilles, mes dents sont taillées en scie, et ma queue que je dresse, abaisse et contourne, est hérissée de dards que je lance à droite, à gauche, en avant, en arrière… tiens ! tiens !
Gras, mélancolique, farouche, je reste ainsi continuellement, à sentir sous mon ventre la chaleur de la terre.