Page:Guttinguer - Dernier Amour, 1852.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


V.

C’EST ELLE !


Si vous avez aimé jamais (et qui sur terre
D’un sentiment sacré n’a connu le mystère ?)
Dites, vous souvient-il du premier rendez-vous,
Alors que tout est trouble et crainte autour de nous ;
Qu’au milieu d’un jardin, à la longue avenue,
Vous attendez, tremblant, la prochaine venue
D’un être aimé, disant : Ne viendra-t-elle pas ?
Et courez avant l’heure au-devant de ses pas !
Oh ! comme le cœur bat à chaque ombre lointaine
De femme avec son voile, et sa marche incertaine,
Comme on gronde son cœur en avançant plus près,
D’avoir pu s’y tromper ! Qu’elle a bien plus d’attraits
Celle qui doit venir et faire voler l’heure !
Qui peut la retenir encor dans sa demeure ?
Comme moi maudit-elle un obstacle imprévu !
Allons, l’heure est passée, elle aura trop prévu
Le danger, les regrets, le remords, les alarmes ;
Et vous alliez partir en dévorant vos larmes…
Oh ! dites, lorsque alors ce n’est plus une erreur,
Plus de doute, voilà la reine de mon cœur !
Qui pourra donc jamais dans la langue mortelle
Peindre tout le bonheur de ce seul mot : C’est Elle !