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dissolution des religions.

À cause des périls de ce genre, qu’on rencontre pour ainsi dire à chaque pas dans l’enseignement, faut-il renoncer à parler aux élèves d’histoire, de philosophie, de droit ? Non, et nous ne croyons pas qu’on doive renoncer davantage à leur parler d’histoire religieuse. En tout ceci, il y a plutôt des questions de tact que de principes : au maître d’éviter toute digression hors du domaine de la pure science, de veiller à ce que ses constatations ne puissent jamais se transformer en appréciations favorables ou défavorables[1].

Cet impartial enseignement aurait pour but de rétablir chaque religion dans son cadre historique, de montrer comment elle est née, s’est développée, s’est opposée aux autres, de raconter sans nier. Introduire simplement la continuité historique dans la marche de la pensée religieuse, c’est un progrès considérable : ce qui est continu cesse d’être merveilleux ; le ruisseau qu’on voit grandir n’étonne pas : nos ancêtres adoraient surtout les grands fleuves, dont nul n’avait vu jaillir la source.


III. — L’ÉDUCATION DANS LA FAMILLE


On a souvent posé ce problème de conduite pratique : le père de famille doit-il avoir une religion, sinon pour lui-même, tout au moins pour ses enfants et sa femme ? Et si sa femme a une religion, doit-il se désintéresser de l’éducation de ses enfants pour l’abandonner à sa femme ?

  1. Dans les bibliothèques des facultés trouveraient naturellement leur place les ouvrages de critique religieuse. À la bibliothèque pourrait s’adjoindre un musée plus ou moins riche, où les fétiches des sauvages commenceraient une galerie qui pourrait se continuer jusqu’à nos jours.

    Pour la masse du public français, les résultats solides obtenus par la critique indépendante de la Bible sont une terra incognita ; il faudrait travailler à les vulgariser. L’entreprise de M. Lenormant, par exemple, pourrait servir d’exemple pour d’autres entreprises de ce genre. Afin de faire constater de visu comment le Pentateuque est formé par la combinaison et la fusion de deux sources antérieures, M. Lenormant a entrepris de publier une traduction sur l’hébreu, dans laquelle il distingue, par l’emploi de caractères typographiques différents, les morceaux où la critique reconnaît la provenance de l’une ou de l’autre source. Ainsi on a l’explication toute naturelle de la manière dont tous les épisodes de la Genèse se présentent répétés dans deux versions parallèles, quelquefois juxtaposées, d’autres fois enchevêtrées l’une dans l’autre.