Page:Guyau - L’Irréligion de l’avenir.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
la religion et la fécondité des races.

d’une nation, ce sera accroître la somme de ses richesses[1].

Autrefois la lutte des races se terminait d’un seul coup par la violence : les vaincus étaient massacrés en majeure partie ou réduits en esclavage, et l’esclavage était la plupart du temps une extinction graduelle de la race inférieure, un massacre lent. La famine, produite par la dévastation méthodique, achevait d’ailleurs ce qu’avait fait la guérie. Des races entières ont disparu brusquement de la surface du globe sans presque laisser de trace : l’exemple le plus récent et le plus frappant a été celui des grands empires américains du Mexique et du Pérou. Ainsi les races les plus fortes et les plus intelligentes restaient seules debout et n’avaient, pour ainsi dire, qu’à s’affirmer par la victoire avec toutes ses conséquences pour déblayer le terrain devant elles. L’existence même était un monopole réservé aux forts. Il n’en est plus de même. Aujourd’hui on ne massacre plus les vaincus ; au contraire, si on conquiert un pays non civilisé encore, on lui impose de bonnes lois, des mesures de police et d’hygiène. Les races inférieures se multiplient sous la domination des races supérieures : ainsi les nègres au Cap, les Chinois et les nègres aux États-Unis, et même les derniers survivants des Peaux-Rouges, qui semblent aujourd’hui vouloir faire souche. Enfin l’Orient contient dans l’empire chinois un véritable réservoir d’hommes, qui se déversera tôt ou tard sur le monde entier. En face de ces foules compactes, qui vont

  1. Ce qui reste établi par les économistes, et ce qu’ont raison de soutenir encore aujourd’hui. M.M. Maurice Block, Courcelles-Seneuil, Paul Leroy-Beaulieu, Othenin d’Haussonville, c’est qu’il est nuisible pour la société de procréer des non-valeurs, des êtres chétifs non faits pour le travail, des mendiants, des incapables, quels qu’ils soient ; or, la misère favoiise la naissance de ces êtres qui sont à charge à la société, et la naissance de tels êtres augmente encore la misère : de là un cercle dont tant d’économistes ont cru sortir par les préceptes de Malthus. Malheureusement, s’il est un caractère universel de la misère, c’est sa fécondité. Dans toutes les nations, les misérables sont et seront toujours ceux qui ont le plus d’enfants Malthus n’a jamais été écouté d’eux ; ceux dont il est écouté sont précisément ceux qui, au point de vue même d’une sage économie politique, devraient être féconds, parce qu’ils peuvent mener jusqu’au bout l’« élevage » et l’éducation des enfants : ce sont les paysans économes, les bourgeois, petits et grands. De telle sorte que la fécondité de la misère est absolument sans remède (sauf l’assistance, la charité, l’émigration) ; mais elle constitue en somme un mal beaucoup moins grand que l’infécondité totale d’une nation, et d’ailleurs elle n’est un mal définitif que parce qu’elle aboutit en dernière analyse à une réelle infécondité. La misère, surtout celle des villes, tue rapideme nt les races lesûina prolifiques.