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l’irréligion de l’avenir.

bleront pourtant par ce trait commun, qu’elles excluront progressivement tout dogme, toute révélation. En outre, ces associations de croyants auront pour commun idéal de se rapprocher des associations de chercheurs et de savants dont nous venons de parler. Les personnes instruites qui se trouveront à la tête de ces sortes de communions auront pour tâche d’y vulgariser les résultats des recherches scientifiques ou métaphysiques entreprises dans les sociétés plus élevées. Il n’y aura pas de temple qui ne soit ainsi formé de plusieurs temples superposés, comme les nefs superposées de certaines églises anciennes ; et le plus haut de ces temples, celui d’où descendra la parole la plus inspirée, sera bâti à ciel ouvert et habité non par des fidèles, mais au contraire par des infidèles à toute vérité bornée, par des esprits toujours en quête d’un savoir plus étendu et plus sûr : ad lucem per lucem.

Un des effets principaux de l’association des intelligences ainsi pratiquée, sera la diffusion et la propagation des idées scientifiques dans le peuple. Si on considère les religions comme une vulgarisation des premières théories scientifiques humaines, on peut croire que le plus sûr moyen d’en combattre les erreurs et d’en conserver les bons côtés sera la vulgarisation des théories vraies de la science moderne. Vulgariser, c’est en un sens « convertir, » mais c’est convertir à des vérités hors de doute ; c’est une des tâches les plus capables de tenter un philanthrope : on est sûr que le vrai ne fera pas de mal quand on le répand sans l’abaisser. Une parole vraiment bonne, un livre vraiment bon sont souvent meilleurs qu’une bonne action : ils portent plus loin, et si quelquefois un acte imprudent d’héroïsme a pu être funeste, une parole allant au cœur ne le fut jamais. De nos jours on trouve déjà des livres à l’usage des enfants et du peuple qui sont de véritables chefs-d’œuvre, et qui mettent à leur portée les plus hautes idées de la morale et de certaines sciences, sans les défigurer en rien ; ces livres sont des espèces de catéchismes moraux ou scientifiques bien supérieurs aux catéchismes religieux. On peut être assuré qu’il se produira un jour, pour les grandes théories cosmologiques ou métaphysiques, des livres de ce genre, résumant dans un langage à la portée de tous et sous de vives images les faits acquis ou les hypothèses probables. La vulgarisation, venant de plus en plus s’interposer entre la haute science et l’ignorance populaire, remplacera ainsi les religions, qui sont elles-