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l’irréligion de l’avenir.

espèce s’éteindrait par l’affaissement consécutif de la vitalité. Les peuples occidentaux, ou pour mieux dire les peuples actifs, à qui appartient l’avenir, ne se convertiront jamais aux idées pessimistes ; celui qui agit sent sa force, celui qui se sent fort est heureux. Même en Orient, le pessimisme des grandes religions n’est que superficiel quand il s’adresse à la foule, et il n’a pas laissé dans la vie populaire de trace très profonde ; les maximes banales sur les maux de l’existence et sur la résignation nécessaire aboutissent, en fait, à un far niente approprié aux mœurs de l’Orient. D’autre part, quand il s’adresse aux penseurs, le pessimisme n’est que provisoire, il leur montre aussitôt le remède dans le nirvâna ; mais cette panacée-là, nous n’y croyons plus, et le salut par la négation ou par la destruction violente de l’existence ne peut tenter longtemps le bon sens moderne. Comment attribuer à l’homme le pouvoir d’écraser l’œuf sacré d’où est sortie la vie avec ses invincibles illusions, et d’où elle ressortira toujours, quoi que fassent les ascètes, quoi que fassent les partisans du suicide individuel ou, comme M. de Hartmann, du « suicide cosmique ? » Il serait peut-être moins difficile encore de créer que d’anéantir, de faire Dieu que de le tuer.