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l’irréligion de l’avenir.

lisme moniste. — Deux conceptions possibles de l’immortalité. — L’existence éternelle ou intemporelle, et la continuation de la vie sous une forme supérieure.
   I. Hypothèse de la vie éternelle. Sa place dans les religions antiques, chez les platoniciens, chez Spinoza, Kant et Schopenhauer. — La vie éternelle laisse-t-elle subsister l’individualité. — Distinction de Schopenhauer et de plusieurs autres philosophes entre l’individualité et la personnalité. — Caractère transcendant et problématique de la vie éternelle. — Tendance aristocratique de cette même idée. Hypothèse de l’immortalité conditionnelle à laquelle elle aboutit chez certains théologiens. — Critique de l’immortalité conditionnelle. Incompatibilité de cette notion avec celle de bonté divine, — II. Hypothèse d’une continuation de la vie et de son évolution sous une forme supérieure. — Recherche de ce dont la théorie évolutionniste permet d’espérer l’immortalité. — Immortalité des œuvres et des actions. Vrai sens dans lequel on peut la concevoir. — Son rapport avec les lois de l’hérédité, de l’atavisme, de la sélection naturelle. — Immortalité de l’individu. Objections de la science. Protestation de l’amour contre l’anéantissement de la personne. Antinomie qui en résulte. — III. — Opposition moderne de l’idée de fonction à l’idée de substance simple, où l’ancienne philosophie cherchait la preuve de l’immortalité. — Théorie péripatéticienne de Wundt et des philosophes contemporains sur la nature de l’esprit. — L’immortalité serait une continuation de fonction et se fonderait non sur la simplicité, mais sur la complexité supérieure de la conscience. — La complexité entraîne-t-elle nécessairement l’instabilité. — Les trois stades de l’évolution sociale. — Analogie de la conscience avec une société. Caractère collectif de la conscience individuelle. — Rêve d’une immortalité progressive, produit dernier de l’évolution et de la sélection naturelle. — 1o La conscience, pour être composée et complexe, n’est pas nécessairement vouée à la dissolution ; il peut se former des composés indissolubles dans l’ordre mental comme dans l’ordre physique. — 2o Rapport mutuel des consciences ; leur fusion possible en une conscience supérieure. — Ce que la psychologie contemporaine peut admettre du rêve religieux de la « pénétration des âmes. » — Évolution possible du souvenir et son identification avec la réalité même. La palingénésie par l’amour. — Caractère problématique de ces conceptions et de toute conception relative au fond de l’existence, de la conscience, et au rapport de la conscience avec l’existence. — IV. — Comment ceux qui, dans l’état actuel de l’évolution, n’admettent pas l’immortalité individuelle, doivent envisager la mort. — Le stoïcisme antique et le stoïcisme moderne. — La mort prévue et consciente : ce qu’elle a de triste et ce qu’elle a de grand. — Le moi s’élargissant assez, par la pensée philosophique et le désintéressement scientifique, pour comprendre, approuver même dans une certaine mesure son propre évanouissement.


Le naturalisme consiste à croire que la nature, avec les êtres qui la composent, épuise toute l’existence. Mais, même à ce point de vue, il reste toujours à savoir ce qui constitue le fond de l’être et ce qui, parmi les diverses formes d’existence à nous connues, est le plus voisin de ce fond. La nature est-elle matière, est-elle pensée, est-elle l’unité des deux ? Le problème relatif à 1’ « essence » de l’être, quoique descendu dans le domaine immanent de la nature, n’en subsiste donc pas moins.

La théorie qui semble dominer aujourd’hui, c’est celle des deux aspects irréductibles l’un à l’autre, l’intérieur et l’extérieur, des deux faits sui generis, le fait de conscience et le mouvement. Nous aurions, selon le mot de M. Taine[1], deux « textes » du livre éternel, au lieu d’un seul. Il s’agit

  1. Même doctrine chez M. Ribot.