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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

ginal ; seulement, de l’original le portrait rappelle non les traits qu’il retrace, mais précisément ceux qu’il ne retrace pas. Par exemple, comme le portrait est immobile et muet, l’on dira « qu’on s’attend à le voir gesticuler, à l’entendre parler », il arrive tous les jours que, mis en présence d’une personne pour la seconde fois, vous vous souvenez de l’avoir vue une première fois. « A parler exactement, vous vous souvenez de la première fois que vous l’avez vue. » En effet, l’objet propre du souvenir, ce sont les circonstances où vous l’avez jadis rencontrée, en tant que différentes de celles où vous la rencontrez aujourd’hui. Vous vous rappellerez le salon où elle était, les personnes avec qui elle causait, la toilette qu’elle avait ; vous remarquerez qu’elle était plus jeune, ou plus maigre, ou mieux portante. Bref, « vous ne vous remémorerez en aucune façon les traits ou les circonstances identiquement semblables. Comment d’ailleurs le pourriez-vous, puisque vous les avez devant les yeux ? » De là M. Delbœuf tire cette conclusion, que la perception d’une chose perçue antérieurement met en branle un ou plusieurs états périphériques antérieurs qui, dans les points où ils se distinguent de l’état périphé-