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LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

rique actuel, donnent lieu à des conceptions. L’esprit juge que les objets de ces conceptions sont absents, parce que les images en sont ternes, comparées avec celles des objets présents dont est entourée la chose qui provoque le souvenir. Telle est, selon lui, l’exacte signification des lois de ressemblance et de contraste que certains psychologues font à tort figurer parmi les lois d’association. La ressemblance suscite le souvenir des différences. L’image présente, en tant qu’identique à l’image passée, fait reparaître l’ancien cadre en tant que différent du nouveau.

Sans rejeter ainsi l’association par ressemblance, nous pensons avec M. Delbœuf que c’est en effet le cadre qui est important dans le souvenir ; et ce cadre, c’est avant tout un lieu, qui provoque le souvenir d’une date. Se souvenir, c’est en effet replacer une image présente dans un temps et dans un milieu. C’est « retrouver dans l’atlas le feuillet et l’endroit exacts où elle est gravée ». Cet atlas du temps, selon nous, a pour feuillets des espaces, des lieux et des scènes locales. L’image d’un objet passé, reflétée par un objet semblable et présent, fait reparaître, sous une forme affaiblie, telle page de l’atlas, c’est-à-dire tel lieu avec telle scène, et nous disons alors que nous