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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

vrai dire, pour localiser dans le temps, nous attachons des points de repère à l’espace, et les procédés abréviatifs, si bien décrits par MM. Taine et Ribot, sont en réalité des abréviatifs d’espace, des représentations de tableaux visibles, avec des distances vaguement imaginées auxquelles on donne de la précision au moyen du nombre. Le moment présent est évidemment le point de départ dans toute représentation du temps. Nous ne pouvons concevoir le temps que d’un point de vue présent, duquel nous nous représentons le passé en arrière et l’avenir en avant. Mais ce point de vue est toujours quelque scène dans l’espace, quelque événement qui s’est passé dans un milieu matériel et étendu. Notre représentation même du temps, notre figuration du temps, est à forme spatiale.

L’espace que nous voyons est devant nous ; l’espace que nous nous représentons simplement sans le voir est derrière nous. Nous ne pouvons même nous représenter l’espace qui est derrière notre dos qu’en imaginant que nous l’avons en face et de front. Eh bien, il en est de même du temps ; nous ne pouvons nous figurer le passé que comme une perspective derrière nous, et le futur sortant du présent que comme une perspec-