Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

tive devant nous. La primitive figuration du temps pour l’animal et l’enfant doit être une simple file d’images de plus en plus effacées. Le temps est, à l’origine, comme une quatrième dimension des choses qui occupent l’espace. Il y a des lignes, des surfaces, des distances qu’on ne franchit qu’avec du mouvement, et enfin il y a une distance d’un genre particulier qu’on ne franchit aussi qu’en traversant des intermédiaires, celle entre l’objet désiré et l’objet possédé, celle du temps. Les heures, les jours, les années, autant de casiers vides où nous distribuons à mesure toutes les sensations qui nous arrivent. Quand ces casiers sont pleins et que nous pouvons en parcourir toute la série sans rencontrer d’hiatus ils forment ce que nous appelons le temps. Auparavant, ce n’étaient que des divisions de l’espace ; maintenant l’entassement et la distribution régulière des sensations dans l’espace a créé cette apparence que nous appelons le temps.

Non seulement nous répartissons ainsi et nous étiquetons pour ainsi dire nos événements intérieurs, mais nous classons de la même manière les événements arrivés avant notre existence ; bien plus, nous imposons d’avance les mêmes subdivisions au temps futur. Nous tirons du passé à l’avenir une