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LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

englouties et disparues. Les hommes ont dû élever l’une sur l’autre leurs constructions, que recouvrait périodiquement la cendre montante : il s’est formé comme des couches de villes ; sous les rues il y a des rues souterraines, sous les carrefours des carrefours, et la cité vivante s’appuie sur les cités endormies. La même chose s’est produite dans notre cerveau ; notre vie actuelle recouvre sans pouvoir l’effacer notre vie passée, qui lui sert de soutien et de secrète assise. Quand nous descendons en nous-mêmes, nous nous perdons au milieu de tous ces débris. Pour les restaurer, pour les reconstruire, pour les ramener enfin à la pleine lumière, c’est la classification dans l’espace qui est le moyen principal et presque unique.

La mémoire formée, le moi est formé. Le temps et le mouvement sont dérivés de deux facteurs essentiels : au dehors l’inconnu, et au dedans une certaine activité, une certaine énergie se déployant. Nous ne pouvons ni nous connaître nous-mêmes en notre fond, ni connaître ce quelque chose qui existe au dehors de nous et dont notre moi lui-même est en grande partie dérivé. Quelles sont les