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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

venir fait à la fin l’effet de quelque chose qui avancerait à mesure que nous avançons ; elle se présente toujours à notre mémoire comme un événement tout récent. Dans les états d’aliénation mentale amenés par quelque grande secousse, nous voyons cette tendance à ressusciter le passé enseveli se développer librement ; « les événements éloignés, les circonstances lointaines viendront se confondre avec les faits présents »[1].

Une autre cause d’erreur dans notre appréciation de la durée, c’est que nous sommes portés à combiner le temps exigé par la représentation d’un événement avec le temps réel qu’a duré l’événement. Dans les expériences psychophysiques, si on me demande la durée de battements courts du métromone, je la fais trop grande. C’est que j’ajoute inconsciemment le temps qu’il me faut pour me représenter et apprécier le battement à la durée objective du battement même, qui ainsi me paraît accrue. Au contraire, si les battements sont très lents, je tends à les faire plus courts qu’ils ne sont : la représentation est alors plus rapide que le battement même, et je tends à confondre la vitesse subjective avec la vitesse objective,

  1. James Sully, Ibid.