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LES ILLUSIONS DU TEMPS

comme je tendais, tout à l’heure, à confondre la lenteur subjective avec une lenteur objective. Le danseur à qui on veut faire suivre un rythme trop rapide est haletant et reste en arrière ; celui qu’on veut faire aller trop lentement demeure le pied en l’air, porté à presser le mouvement. L’effort, plus ou moins bref et rapide, joue donc un rôle considérable dans notre idée du temps. C’est par l’effort et le désir que nous avons fait connaissance avec le temps ; nous gardons l’habitude d’estimer le temps selon nos désirs, nos efforts, notre volonté propre. Nous altérons sa longueur par notre impatience et notre précipitation, comme nous altérons sa rapidité par notre lent effort pour nous la représenter.

L’estimation de la durée dans le passé dépend de la durée que nous paraît avoir l’opération reproductive elle-même, l’effort pour se souvenir des divers événements. Ainsi, quand tous les événements se tiennent et se ressemblent, l’effort d’attention nécessaire au rappel des souvenirs s’adapte immédiatement à chacune des images successives, comme le remarque Wundt, et la série, facilement parcourue, semble moins longue ; au contraire, si les événements sont discontinus, sans lien, ou très divers et dissemblables, l’effort de