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LES ILLUSIONS DU TEMPS

l’oubli de leur ennui ; les autres disent (avec James Sully) qu’ils n’oublient nullement leur ennui et que le temps de l’attente reste marqué dans leur mémoire d’un caractère de lenteur. Tout dépend, ici encore, du point de comparaison et de la présence ou de l’absence du souvenir d’ennui.

Maintenant, pourquoi le temps du bonheur, — du jeu pour l’enfant, de l’entretien amoureux pour le jeune homme, — paraît-il avoir fui avec une si désolante rapidité ? C’est que, par l’anticipation idéale, nous nous étions promis et avions désiré un long bonheur, — un bonheur même qui ne dût point finir : par comparaison avec l’origine de notre désir et de notre attente combien la réalité paraît brève ! Quoi ! déjà ? Nous avions projeté devant nous, par l’imagination, un chemin long à parcourir, un vrai chemin des amoureux, et quand il est parcouru, il nous paraît nécessairement trop court. Dans les jours de bonheur, nous nous arrachons à regret à chaque heure qui passe : elle laisse en nous un lumineux sillon et nous restons encore longtemps à suivre cette trace, qui pâlit sans s’éteindre, en fascinant nos yeux.

Wundt explique la plupart des erreurs relatives à la durée par les variations de l’aper-