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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

ception, c’est-à-dire de l’attention aux représentations, qui est en un état de tension plus ou moins grande. Mais le degré d’attention n’est ici qu’un élément secondaire. La vraie tension est dans le désir, dans l’appétition, dans cette espèce de poussée intérieure qui va du présent, tantôt à un terme futur désiré, tantôt à un terme futur redouté. Dans le premier cas, le temps va trop lentement ; dans l’autre, il va trop vite ; c’est à notre désir que nous mesurons malgré nous sa longueur : le temps apparent varie donc en fonction de l’appétit ou du désir.

James Sully remarque que le raccourcissement du temps apprécié à distance ne se fait suivant aucune loi. On ne peut pas dire qu’il soit proportionnel à l’éloignement ; on doit même dire qu’il ne l’est pas. « Si je me représente mes dix dernières années par une ligne longue d’un mètre, la dernière année s’étend sur trois ou quatre décimètres ; la cinquième, riche en événements, s’étend sur deux décimètres ; les huit autres se resserrent sur ce qui reste. » En histoire, la même illusion a lieu. Certains siècles paraissent plus longs : « la période qui va de nos jours à la prise de Constantinople paraît plus longue que celle qui va de cet événement à la pre-