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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

choses nouvelles. Faites un voyage qui vous passionne, qui vous fasse redevenir jeune en rajeunissant le monde autour de vous. Les événements accumulés, les espaces parcourus s’ajouteront, bout à bout, dans votre imagination rétrospective : vous aurez des fragments du monde visible en grand nombre et disposés en série, et ce sera, comme on dit avec tant de justesse, un long espace de temps.

Selon M. Janet, la durée apparente d’une certaine portion de temps, dans la vie de chaque homme, serait « proportionnelle à la durée totale de cette vie[1] ». Une année, dit-il, pour un enfant de dix ans, représente le dixième de son existence ; pour un homme de cinquante ans, cette même année ne sera plus qu’un cinquantième ; elle paraîtra ainsi cinq fois plus courte. D’autre part, pour l’enfant, l’âge de cinquante ans paraît prodigieusement avancé, mais non pour le cinquantenaire. Cette loi ne s’appliquerait d’ailleurs qu’aux périodes assez longues, comme les années, non aux jours ou aux mois, que nous ne songeons point à comparer avec toute une vie. La loi de M. Janet nous semble exprimer une tendance réelle de l’imagination, qui consiste à juger les gran-

  1. Revue philosophique, 1817, I, 497.