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LES ILLUSIONS DU TEMPS

deurs relativement à ce qu’elle peut se représenter de plus grand ou de plus petit : pour celui qui n’a point parcouru beaucoup de pays, le village paraît grand ; pour qui a vu Paris, la ville de province semble petite. Mais la loi proposée par M. Janet est beaucoup trop mathématique et trop simple pour expliquer, à elle seule, le raccourcissement apparent des années aux yeux du vieillard. La fusion des impressions semblables et des périodes similaires qui se recouvrent l’une l’autre nous paraît jouer ici un bien plus grand rôle.

M. Janet donne encore pour exemple de notre appréciation de la durée par comparaison de la partie au tout que, dans un voyage en chemin de fer, si vous n’allez que de Paris à Orléans, vous serez déjà fatigué à Choisy ; si vous allez de Paris à Bordeaux, vous n’éprouverez le même sentiment de fatiguo et d’ennui qu’à Orléans. Selon nous, ce fait s’explique par la différence entre les attentes. Quand vous allez de Paris à Bordeaux, vous vous attendez à un long trajet, vous vous résignez d’avance et vous n’éprouvez la révolte de l’ennui que plus tard. Si vous vous embarquez pour Orléans, vous dites d’avance : ce n’est pas très long, je serai bientôt arrivé ; et