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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

une vitesse acquise dans un certain sens. Nous tendons à embellir ce qui nous a plu, à enlaidir ce qui nous a déplu, et cette tendance, ajoutant sans cesse ses effets à eux-mêmes, finit par atteindre un point maximum de beauté ou de laideur, qui est l’adaptation du souvenir à notre disposition personnelle. Le tableau est fait, le paysage est terminé. Maintenant il sera « acquis à l’histoire » que les choses se sont passées de telle manière, ou superbe ou affreuse, que telle personne avait une beauté admirable, que telle autre avait une laideur non moins prodigieuse, etc.

Nous avons montré ailleurs[1] que le temps devient une classification spontanée des choses selon leur rapport à nous, et que cette classification est nécessairement esthétique. Le temps est donc un jugement porté sur la force et sur la valeur esthétique des choses et des événements.

  1. L’art au point de vue sociologique. — Voir plus loin le premier appendice.