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CONCLUSION

même position dans le même arbre ; si, de plus, je suis dans le même courant d’idées et de sensations et que je ne me rappelle pas mon action antécédente, les deux actes seront absolument identiques, produiront les mêmes effets et se fondront dans le même tout. Ainsi, le temps ne suffit pas à lui seul à introduire de différence réelle entre les choses.

Selon nous, le temps n’est qu’une des formes de l’évolution ; au lieu de la produire, il en sort. Le temps, en effet, est une conséquence du passage de l’homogène à l’hétérogène ; c’est une différenciation introduite dans les choses ; c’est la reproduction d’effets analogues dans un milieu différent ou d’effets différents dans un milieu analogue.

Au lieu de dire que le temps est le facteur essentiel du changement et conséquemment du progrès, il serait plus vrai de dire que le temps a pour facteur et élément fondamental le progrès même, l’évolution : le temps est la formule abstraite des changements de l’univers. Dans la masse absolument homogène que, par une fiction logique, on a supposée quelquefois à l’origine des choses, le temps n’existe pas encore. Imaginez un rocher battu par la mer : le temps existe pour lui, car les siècles l’entament et le rongent ; maintenant, suppo-