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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

Point de temps hors des désirs et des souvenirs, c’est-à-dire de certaines images qui, se juxtaposant comme se juxtaposent les objets qui les ont produites, engendrent tout à la fois l’apparence du temps et de l’espace.

Le temps, à l’origine, n’existe pas plus dans notre conscience même que dans un sablier. Nos sensations et nos pensées ressemblent aux grains de sable qui s’échappent par l’étroite ouverture. Comme ces grains de sable, elles s’excluent et se repoussent l’une l’autre en leur diversité, au lieu de se fondre absolument l’une dans l’autre ; ce filet qui tombe peu à peu, c’est le temps.

Maintenant, au dehors de la conscience, y a-t-il une réalité correspondant à l’idée que nous nous faisons de la durée ? Y a-t-il, pour ainsi dire, un temps objectif ? On a fait souvent du temps une sorte de réalité mystérieuse, destinée à remplacer la conception vieillie de la providence. On lui a donné presque la toute-puissance, on l’a déclaré le facteur essentiel de l’évolution et du progrès. Mais le temps ne constitue ni un facteur, ni un milieu pouvant à lui seul modifier l’action et ses effets. Si je cueille une pomme dans un arbre, puis plus tard une pomme absolument semblable, occupant exactement la