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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

encore on pourrait, par hypothèse, supprimer le sentiment même du temps, ramener l’animal à une vie toute statique, non dynamique, à un mécanisme d’images actuelles sans conscience du passage d’un état à l’autre. Plongez-le à chaque instant dans le fleuve du Léthé, ou supposez que, soit par un arrêt de développement cérébral, soit par une lésion, cérébrale, l’animal s’oublie sans cesse lui-même à chaque instant ; les images continueront de surgir dans sa tête ; il y aura des liens cérébraux entre ces images et certains mouvements par le seul fait que, une première fois, images et mouvements auront coïncidé : l’animal aura donc, à chaque instant, un ensemble de représentations et accomplira un ensemble de mouvements déterminés par des connexions cérébrales, le tout sans la représentation de succession et sans le sentiment de succession. Cet état, quelque hypothétique qu’il soit, doit ressembler à celui des animaux inférieurs. C’est seulement après une évolution plus ou moins longue que l’animal, par un perfectionnement de l’organisme, projette dans le temps passé une partie de ses représentations. Au début, il a dû sentir, imaginer, jouir, souffrir, réagir et mouvoir en ne