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XII
INTRODUCTION

projetant les objets que dans l’espace, ou, plus simplement, avec des représentations à forme confusément spatiale, car la représentation distincte de l’espace est encore un perfectionnement très ultérieur. Comment donc les kantiens peuvent-ils soutenir qu’on ne peut « se représenter une représentation sans la représentation du temps » ?

Même chez l’homme, il y a des cas maladifs où toute notion du temps semble disparue, où l’être agit par vision machinale des choses dans l’espace sans distinction de passé et de présent. Nous pouvons nous en faire une idée, même à l’état sain : il y a des cas d’absorption profonde dans une pensée ou dans un sentiment, d’extase même où le temps disparaît de la conscience. Nous ne sentons plus la succession de nos états ; nous sommes en chaque instant tout entiers à cet instant même, réduits à l’état d’esprits momentanés, sans comparaison, sans souvenir, totalement perdus dans notre pensée ou dans notre sentiment. Si on nous fait tout à coup sortir de cette sorte de paralysie portant sur la représentation de la durée, nous sommes incapables de dire s’il s’est écoulé une minute ou une heure : nous sortons comme d’un rêve où, sur