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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

cessions d’images auditives et il a des successions d’images visuelles ; il a des successions d’appétits, faim, soif, etc. Toutes ces séries restent d’abord flottantes et discontinues dans son imagination, sa vie étant un rêve. Il n’accomplit pas l’opération scientifique qui consiste à comparer ces séries, à reconnaître qu’elles forment une série unique et que de même, objectivement, le cours du temps est continu, uniforme, identique pour tous les êtres. Cette notion du temps est un produit raffiné de la réflexion humaine, comme les notions de l’infini, de l’immensité, de la causalité universelle, etc. Prétendre que, pour avoir des représentations quelconques, il faut avoir cette intuition pure du temps, même à l’état obscur, c’est transporter notre science actuelle dans l’ignorance primitive. D’ailleurs, même aujourd’hui, nous n’avons aucune intuition pure du temps ; toutes les intuitions que nous en avons sont des intuitions concrètes et spatiales, disons le mot, sensitives. Nous sommes obligés de nous représenter le temps indirectement, par un détour. La conscience de la transition dans le temps n’est pas une « intuition » du temps, encore moins une intuition supérieure à l’expérience ; c’est, au con-