Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xx
INTRODUCTION

traire, l’expérience même parvenue à ce degré d’évolution où elle est capable de se réfléchir sur soi. Ce degré n’existe guère véritablement que chez l’homme, et encore chez le savant. Chez l’animal ou l’enfant, et dans la plupart des circonstances, les tableaux de l’espace suffisent.

Si donc il est vrai de dire que la succession des représentations n’est pas la représentation de la succession, il est également faux de croire que cette représentation tardive de la succession soit la descente d’une intuition pure dans la conscience, comme celle du Saint-Esprit chez les apôtres ; elle est un perfectionnement de l’intelligence, qui, de représentations d’abord isolées, s’élève par degrés à la représentation d’une série intensive, extensive et protensive. Après avoir eu des représentations dont chacune laisse une trace, l’être conscient finit par avoir la représentation de leur ordre même et de leur mode d’apparition ; il regarde en arrière dans le temps comme il regarde en arrière dans l’espace. C’est là une complication due à la réflexion de l’expérience sur l’expérience par le moyen d’organes répétiteurs et condensateurs.