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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

« Une représentation, vient de dire Kant, qui ne peut être donnée que par un seul objet est une intuition. » — Mais où est donc ce seul objet dont nous aurions l’intuition et qui serait le temps ? J’ai beau chercher dans ma conscience, je n’y puis voir le temps en lui-même, tout seul et comme un « objet ». Je me représente des successions de sensations, de passions, de plaisirs, de peines, de volitions, de motions, etc. ; mais une succession toute seule, sans rien qui se succède, voilà ce que je ne parviens pas à me figurer, pas plus qu’un animal en soi, qui ne serait ni homme, ni cheval, etc. Il est bien vrai qu’il reste dans mon imagination un cadre en apparence vide, une sorte de longue allée déserte, le long de laquelle je conçois que tout va se ranger ; mais c’est là encore le dernier résidu de l’intuition sensible : regardez-y de près, vous y découvrirez une conscience vague de sensations, d’appétitions, de vie et surtout de mouvement. Pour concevoir le temps mathématique, vous tracez une ligne par l’imagination ; vous passez du temps dans l’espace. Il n’y a là aucune intuition pure. Le temps, d’ailleurs, est-il donc vraiment un objet, une réalité qu’on puisse intueri, contem-