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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

d’un quatrième, dont l’importance est capitale : l’intensité, le degré. Selon nous, il y a une connexion intime entre le degré et le moment. Entre les diverses sensations et les divers efforts moteurs de même espèce il existe en général des gradations et une sorte d’échelle qui permet de passer de l’un à l’autre. J’ai d’abord appétit, puis faim, puis une vive douleur d’estomac mêlée d’éblouissements et d’un sentiment général de faiblesse ; voilà l’exemple d’une sensation passant par une foule de degrés. Il en est ainsi de la plupart de nos sentiments dans la vie habituelle : ils se ramènent à un petit nombre, mais ils sont susceptibles de variations perpétuelles, de dégradations ou d’accroissements presque à l’infini. La vie est une évolution lente ; chaque moment du temps présuppose un degré dans l’activité et dans la sensibilité, un accroissement ou une diminution, une variation quelconque, en d’autres termes un rapport composé de quantité et de qualité. S’il n’y avait pas division, variation et degré dans l’activité ou la sensibilité, il n’y aurait pas de temps. Le balancier primitif qui sert à mesurer le temps et contribue même à le créer pour nous, c’est le battement plus ou moins intense, plus ou moins ému de notre cœur.