Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
FORME PASSIVE DU TEMPS

Bain remarque avec raison que nous ne pouvons soulever un poids à la hauteur d’un pied, puis de deux pieds, sans avoir une expérience particulière de durée ; dans le sentiment du continu, par exemple du mouvement continu, de l’effort continu, il y a « une aperception de degré. » Mais Bain ajoute que « cette aperception de degré est le fait appelé temps ou durée. » — Cette conclusion est inadmissible. Il y a autre chose dans la durée qu’une aperception de degrés d’intensité, quelque commode que soit cette aperception pour nous rendre sensible la succession, qui est la caractéristique du temps.

Les éléments qui précèdent nous fournissent simplement ce qu’on pourrait appeler le lit du temps, abstraction faite de son cours, ou, si l’on préfère, le cadre dans lequel le temps semble se mouvoir, l’ordre selon lequel il range les représentations dans notre esprit, en un mot la forme du temps. C’est un ordre de représentations à la fois différentes et ressemblantes, formant une pluralité de degrés. De plus, le souvenir même a ses degrés, suivant qu’il est plus ou moins lointain : tout changement qui vient se représenter dans la conscience laisse en elle, comme résidu, une série de représentations disposées selon une espèce