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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

logues avec des sensations différentes tout le long du chemin. Voilà la notion primitive du mouvement. Ajoutez que, les divers pas étant faits dans une intention déterminée, vers les fruits d’un arbre par exemple, les groupes de sensations que j’ai éprouvées se disposent dans mon imagination selon une ligne, les uns apparaissant à tel point par rapport à l’arbre, les autres à tel autre point. Voilà à la fois le germe de l’idée de temps et de l’idée de mouvement dans l’espace.

Si je vais du point A au point B et que je revienne du point B au point A, j’obtiens ainsi deux séries de sensations dont chaque terme correspond à un des termes de l’autre série. Seulement, ces termes correspondants se trouvent rangés dans mon esprit tantôt par rapport au point B pris comme but, tantôt par rapport au point A. Je n’ai alors qu’à appliquer les deux séries l’une sur l’autre en les retournant pour qu’elles coïncident parfaitement d’un bout à l’autre. Cette entière coïncidence de deux groupes de sensations, comme on sait, est ce qui distingue le mieux l’espace du temps. Quand je ne considère pas cette coïncidence possible ou réelle, je n’ai dans la mémoire qu’une série de sensations, rangées selon un ordre de netteté. L’idée du temps