Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/190

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l’été qui commence trop tard et qui finit trop tôt, l’hiver qui mange sept mois de l’année sans profit, la sécheresse et la pluie qui viennent toujours mal à point…

« Dans les villes on se moque de ces choses-là ; mais ici vous n’avez pas de défense contre elles et elles vous font du mal ; sans compter le grand froid, les mauvais chemins, et de vivre seuls, loin de tout, sans plaisirs. C’est de la misère, de la misère, de la misère du commencement à la fin. On dit souvent qu’il n’y a pour réussir sur la terre que ceux qui sont nés et qui ont été élevés sur la terre ; comme de raison… Les autres, ceux qui ont habité les villes, pas de danger qu’ils soient assez simples pour se contenter d’une vie de même ! »

Il parlait avec chaleur, et d’abondance, en citadin qui cause chaque jour avec ses semblables, lit les journaux, entend les orateurs de carrefour. Ceux qui l’écoutaient, étant d’une race sensible à la parole, se sentaient entraînés par ses critiques et ses plaintes, et la dureté réelle de leur vie leur apparaissait d’une façon nouvelle et saisissante qui les surprenait eux-mêmes.

La mère Chapdelaine pourtant secouait la tête.

— Ne dites pas ça ; il n’y a pas de plus belle