Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/41

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— Ce n’est pas notre faute, soupira Maria, nous sommes trop loin !

Son père secoua encore la tête d’un air de regret. Le spectacle magnifique du culte, les chants latins, les cierges allumés, la solennité de la messe du dimanche le remplissaient chaque fois d’une grande ferveur. Un peu plus loin, il commença à chanter :


J’irai la voir un jour,
M’asseoir près de son trône,
Recevoir ma couronne
Et régner à mon tour…


Il avait la voix forte et juste et chantait à pleine gorge d’un air d’extase ; mais bientôt ses yeux se fermèrent et son menton retomba sur sa poitrine peu à peu. La voiture ne manquait jamais de l’endormir, et son cheval, devinant l’assoupissement habituel du maître, ralentit et finit par prendre le pas.

— Marche donc, Charles-Eugène !

Il s’était réveillé brusquement et étendit la main vers le fouet. Charles-Eugène reprit le trot, résigné. Plusieurs générations auparavant, un Chapdelaine avait nourri une longue querelle avec un voisin qui portait ces noms, et il les avait promptement donnés à un vieux cheval découragé et un peu boiteux qu’il avait, pour s’accorder la satisfaction de crier tous les jours, très fort, en passant devant la maison de son ennemi :