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CLIO, LIVRE I.

de l’autre. Elle a autant de longueur qu’un vaisseau qui va à la rame peut faire de chemin en quinze jours, et, dans sa plus grande largeur, autant qu’il en peut faire en huit. Le Caucase borne cette mer à l’occident. C’est la plus grande de toutes les montagnes, tant par son étendue que par sa hauteur. Elle est habitée par plusieurs nations différentes, dont la plupart ne vivent que de fruits sauvages. On assure que ces peuples ont chez eux une sorte d’arbre dont les feuilles, broyées et mêlées avec de l’eau, leur fournissent une couleur avec laquelle ils peignent sur leurs habits des figures d’animaux. L’eau n’efface point ces figures, et, comme si elles avaient été tissues, elles ne s’usent qu’avec l’étoffe. On assure aussi que ces peuples voient publiquement leurs femmes, comme les bêtes.

CCIV. La mer Caspienne est donc bordée à l’ouest par le Caucase, et à l’est par une plaine à perte de vue. Les Massagètes, à qui Cyrus voulait faire la guerre, occupent la plus grande partie de cette plaine spacieuse. Plusieurs considérations importantes engageaient ce prince dans cette guerre. La première était sa naissance, qui lui paraissait avoir quelque chose de plus qu’humain ; la seconde, le bonheur qui l’avait toujours accompagné dans ses guerres. Car, partout où il avait porté ses armes, aucune nation n’avait pu lui échapper.

CCV. Tomyris, veuve du dernier roi, régnait alors sur les Massagètes. Cyrus lui envoya des ambassadeurs, sous prétexte de la rechercher en mariage. Mais cette princesse, comprenant qu’il était plus épris de la couronne des Massagėles que de sa personne, lui interdit l’entrée de ses États. Cyrus, voyant que ses artifices n’avaient point réussi, marcha ouvertement contre les Massagètes, et s’avança jusqu’à l’Araxe. Il jeta un pont sur ce fleuve pour en faciliter le passage, et fit élever des tours sur des bateaux destinés à passer des troupes.

CCVI. Pendant qu’il était occupé de ces travaux, Tomyris lui envoya un ambassadeur, qu’elle chargea de lui parler ainsi : Roi des Mèdes, cesse de hâter une entreprise dont tu ignores si l’événement tournera à ton avantage, et, content de régner sur tes propres sujets, regarde-nous tranquillement régner sur les nôtres. Si tu ne veux pas suivre mes conseils, si tu préfères tout autre parti au repos, enfin si tu as tant d’envie d’éprouver tes forces contre celles des Massagètes, disconti-