Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujet le plus trivial et adressait une phrase de sa conversation à chaque auditeur à son tour. « Il vient de Mellstock, dans le Vessex méridional, il y a un an déjà, — il n’a pas eu de chance, Belinda — (se tournant à droite) : son père vivait dans ce pays ; il attrapa le mal de la mort, et mourut en deux jours, comme vous savez, Caroline. (Se tournant à gauche) : C’eût été une bénédiction si la Providence t’avait enlevé aussi, avec ta mère et ton père, toi, pauvre enfant inutile ! … Mais je l’ai pris ici pour rester avec moi, jusqu’à ce que je puisse voir ce que je ferai de lui, quoique je sois obligée de le laisser gagner un penny quand il en trouve l’occasion. Précisément, en ce moment, il écarte les oiseaux dans les champs du fermier Troutham. Cela l’empêche de mal faire. — Pourquoi te tournes-tu, Jude ? continua-t-elle, en s’adressant à l’enfant qui sentait pleuvoir les regards comme des soufflets sur son visage et détournait la tête.

La blanchisseuse du pays répondit que Mme  ou Mlle  Fawley (comme on la nommait indifféremment) avait fait peut-être un très bon calcul en prenant Jude avec elle. « Pour vous tenir compagnie dans votre solitude, chercher l’eau, fermer les volets le soir, et vous aider un peu dans la boulangerie. »

Miss Fawley n’était pas convaincue… « Pourquoi n’avons-nous pas persuadé au maître d’école de le prendre avec lui à Christminster et d’en faire un étudiant ? continua-t-elle avec une plaisanterie renfrognée. Je suis sûre qu’il n’eût pas trouvé meilleur élève. Le garçon est fou des livres, il en est fou. Cela vient de famille. Sa cousine Sue est absolument de même ; je l’ai entendu dire, du moins, car je n’ai pas vu cette enfant depuis des années, quoiqu’elle soit