Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/72

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susceptible de perfectionnement. Ceux d’entre eux qui évoluent sont l’exception. Le mot du philosophe est toujours vrai : « À trente ans, le cœur se brise ou il se bronze. » La brisure est irréparable, le bronze, très réfractaire. L’homme fait est déjà la patrie qui s’en va : il a posé les actes importants de son existence et fait entrevoir ses possibilités, parce qu’il a un passé et qu’on juge de ce qu’il sera par ce qu’il a été. Il est lancé. Sa force n’a pas éclaté, peut-être ; mais il n’y a plus à s’en occuper : l’obus que vient de vomir la gueule du canon frappera juste si l’arme est bonne et si le tireur est bien adroit ; mais dès l’instant que le coup est parti et qu’il fend les airs, rien ne le fera dévier. Il importe donc, avant tout, que la fabrication de l’obus soit excellente et que le tir soit juste.

« Ainsi de nous. L’individu lancé ne doit plus être l’objet de nos efforts ; mais celui que l’on forme, que l’on forge et martèle, dont on mesure la grandeur et l’aptitude, que l’on charge pour le grand voyage et que l’on va dépêcher vers le but définitif où il pratiquera sa trouée, celui-là mérite qu’on le couve d’attentions infinies, et c’est l’enfant ! Il sera le Valmont de demain, mes institutions, mon ambition réalisée. L’enfance qui me continuera,