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illustres enlevés à la république des lettres, éloges qui, dit Vigneul-Marville, peuvent être regardes comme ses chefs-d’œuvre[1].


En 1704 commença pour le Journal des Savants une ère nouvelle. Jusque là il avait été sous la direction d’un seul écrivain ; si quelques personnes avaient prêté leur collaboration aux premiers journalistes, ç’avait été à titre purement officieux, et sans aucun engagement de leur part. Mais on en était

  1. Parmi ces éloges se trouve celui de Ménage, dans lequel se rencontrent plusieurs traits satiriques, « de quoi, dit Bayle, tous les honnêtes gens de Paris ont été choqués. On ajoute qu’en cherchant la raison pourquoi le président a ainsi traité M. Ménage, on a déterré qu’il n’a jamais pu lui pardonner un petit mot qu’il lui avait ouï dire en montant l’escalier pour se rendre à sa Mercuriale (c’est ainsi qu’on nommait les réunions qui se tenaient tous les mercredis chez Ménage)… On prétend que M. Cousin, accusé d’impuissance par sa femme, et renvoyé au congrès, selon la jurisprudence de ce temps-là, perdit sa cause. On s’entretenait de cet accident chez M. Ménage pendant que M. Cousin montait les degrés, et l’on dit qu’il ouït M. Ménage disant : « Eh ! pourquoi se marier si l’on ne s’y sent pas propre ! » et qu’il rebroussa chemin, résolu de ne pardonner jamais ce trait-là. »

    La cause de la brouille de ces doctes personnages est racontée différemment dans le Ménagiana ; il y est dit simplement que l’épigramme suivante, composée par Ménage sur l’aventure dont parle Bayle dans la lettre que nous venons de citer, les rendit ennemis irréconciliables.

    Le grand traducteur de Procope
    Faillit à tomber en syncope
    Au moment qu’il fut ajourné
    Pour consommer son mariage.
    « Ah ! dit-il, le pénible ouvrage,
    Et que je suis infortuné !
    Moi qui fais de belles harangues,
    Moi qui traduis en toutes langues,
    À quoi sert mon vaste savoir,
    Puisque partout on me diffame
    Pour n’avoir pas eu le pouvoir
    De traduire une fille en femme. »

    M. Cousin ne pardonna jamais cette épigramme à Ménage, et s’en vengea sur sa mémoire quand il eut à faire dans son journal l’éloge du littérateur bel esprit.