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venu, après un essai de près de quarante ans, à trouver que c’était un fardeau trop lourd pour un seul homme.


De quelque côté qu’on envisage les fonctions d’un journaliste, dit à ce sujet la notice qui suit la table du journal, par l’abbé de Claustre, elles paraissent environnées de tant de difficultés, qu’il est presque impossible qu’une seule personne les remplisse dans toute leur étendue et avec un applaudissement général. Sans parler des qualités qu’elles exigent du côté du sujet, esprit juste et exempt de préjugés, jugement solide, connaissances en tout genre, travail assidu, impartialité, etc., que ne faut-il pas, outre cela, pour satisfaire le goût de tout le monde ? Je ne parle pas seulement des difficultés qui naissent de la diversité des goûts, qui fait que les uns ne voudraient voir dans un journal que des matières de théologie, d’autres n’y trouver que de la physique et des mathématiques, de la médecine ou de l’anatomie ; quelques-uns n’y lire que des choses qui concernent les belles-lettres, ou des recherches sur l’antiquité, tandis que ceux-ci n’y cherchent que l’histoire, et ceux-là que la jurisprudence. Ces difficultés, qui regardent la matière d’un journal, ne sont rien au prix de celles qui concernent la manière dont il doit être écrit. Les savants et les gens de cabinet se soucient ordinairement fort peu de la délicatesse du tour, et, pourvu qu’on leur présente beaucoup de choses, ils sont contents : l’assaisonnement n’est pas ce qui les touche. Les gens du monde, au contraire, se soucient peu du fond des choses, pourvu que la manière de les dire soit agréable : ils aiment les tours ingénieux, une critique fine et délicate, la clarté surtout est ce qui les charme ; mais ils ne sauraient souffrir le moindre embarras dans les matières, même les plus abstraites et les plus difficiles. Comment trouver un juste tempérament qui satisfasse les uns et les autres ? Est-il une situation plus délicate et plus incommode que celle d’un journaliste ? Placé entre deux écueils également redoutables, d’un côté la sensibilité des auteurs et de l’autre la malignité des lec-