Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/183

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teurs, il est également en butte aux traits des uns et des autres. Les auteurs voudraient des éloges, et les lecteurs demanderaient des critiques. Prétend-il concilier ces différents intérêts en répandant des fleurs d’une main et en lançant de l’autre des traits, l’auteur sent la piqûre des traits et cherche à se venger, tandis que le lecteur, dégoûté de la profusion des fleurs, conçoit du mépris pour le journaliste. Qui pourrait être assez heureux pour réunir en sa personne, avec tous les talents qu’exige cette pénible fonction, assez de force et d’habileté pour surmonter tant d’obstacles, assez de prudence et d’adresse pour éviter tant d’écueils ?


Camusat avait déjà dit, à la même occasion :


Quelque application qu’un homme seul puisse apporter à la composition d’un journal, il paraît difficile qu’il ne succombe pas à la fin sous le poids d’un travail si accablant. L’étendue du projet, l’immense variété des lectures, le plaisir de se voir en quelque façon l’arbitre de la réputation des savants, voilà des choses qui animent un journaliste dans les commencements de sa carrière, et qui le soutiennent pendant quelque temps ; mais ces mêmes choses renferment souvent aussi le motif qui le décourage et le dégoûte à la longue. Bientôt cette occupation qui le charmait n’a plus rien qui le frappe ; la multitude des livres dont il est obligé de rendre compte l’embarrasse plutôt qu’elle ne l’amuse ; les querelles que sa sincérité fait naître lui deviennent à charge, tant d’ennemis sur les bras l’inquiètent. Peu à peu il se néglige, et ses extraits portent enfin des marques visibles de cet engourdissement. Il arrive aussi que la curiosité du public diminue et que ses applaudissements cessent. Le journal tombe alors dans un décri dont il ne se relève jamais. Je ne connais guère que M. Bayle qui ait persévéré dans ce travail sans rien relâcher de son exactitude accoutumée ; encore n’a-t-il pas fourni trois années entières sans contracter une maladie dangereuse qui le mit hors d’état de le continuer davantage.

On a très-bien remarqué qu’il n’y avait qu’une compagnie de gens de lettres choisis, et exercés en tout genre de littérature,