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si grand’chose que de composer un bon livre… » Il aime à causer de livres avec ce frère ; mais il prend soin de l’avertir qu’il lui en parle sans aucun égard à la bonté et à l’utilité qu’on en peut tirer : « Ce qui me détermine à vous en faire mention est uniquement qu’ils sont nouveaux, ou que je les ai lus, ou que j’en ai ouï parler. » Il ne peut s’empêcher de faire ainsi ; il s’en plaint, il s’en blâme, et retombe toujours : « Le dernier livre que je vois, écrit-il de Genève à son frère, est celui que je préfère à tous les autres. » Langues, philosophie, histoire, antiquités, géographie, livres galants, il se jette à tout, suivant que les diverses matières lui sont offertes : « D’où que cela procède, il est certain que jamais amant volage n’a plus souvent changé de maîtresse que moi de livres. »

On ne doit pas s’étonner qu’avec de pareilles dispositions, Bayle se soit pris d’admiration et d’émulation pour la belle invention des journaux par M. de Sallo, pour ceux que continuait de donner à Paris l’abbé de La Roque, pour les Actes des Érudits de Leipsick. Quand il se fut retiré en Hollande, il vit avec quelque étonnement que dans un pays qui comptait tant de gens instruits et tant de libraires, où, de plus, la liberté d’imprimer était si grande, on ne se fût encore pas avisé d’une semblable publication. Plus d’une fois la pensée lui était venue de remplir cette lacune ; mais il avait toujours re-