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Dès son enfance il s’était montré passionné pour la lecture ; il lisait tout ce qui lui tombait sous la main, mais pourtant relisait Plutarque et Montaigne de préférence. À dix-neuf ans il fit une maladie causée par ses lectures excessives. Plus tard, quand il était professeur de philosophie, l’arrivée des livres de la foire de Francfort, si peu choisis qu’ils fussent, lui occasionnait toujours un grand ennui ; on l’entendait alors se plaindre de ses fonctions, qui ne lui laissaient pas le loisir de cette pâture. Un des écueils de ce goût si vif pour les livres eût été l’engouement et une certaine idée exagérée de la supériorité des auteurs, quelque chose de ce que n’évitent pas des subalternes et caudataires en ce genre, comme Brossette. Bayle, sous quelques dehors de naïveté, n’a rien de cela ; son bon sens le sauva tout jeune de la superstition littéraire pour les illustres, et c’était déjà là une admirable disposition pour exceller au génie critique, qui ne souffre pas qu’on soit fanatique, ou même trop convaincu, ou épris d’une autre passion quelconque. « J’ai assez de vanité, écrit-il à son frère cadet, pour souhaiter qu’on ne connaisse pas de moi ce que j’en connais, et pour être bien aise qu’à la faveur d’un livre qui fait souvent le plus beau côté d’un auteur, ou me croie un grand personnage… Quand vous aurez connu personnellement plus de personnes célèbres par leurs écrits, vous verrez que ce n’est pas