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Dans les premiers numéros de son journal, il s’était étudié, par un sentiment exagéré, à mettre, pour ainsi dire, ses pas dans les traces du célèbre critique auquel il succédait ; quelques-uns de ses articles d’alors ne sont que des pastiches intelligents, mais un peu outrés, de la manière de Bayle. Peu à peu, néanmoins, il se fit une manière à lui : elle se distingue par la clarté de ses analyses, par la sûreté avec laquelle il saisissait le plan et les grands traits des ouvrages soumis à son examen, par un grand bon sens et une rare modération, qui ne se dément jamais, même dans les sujets de controverse ; du reste, à l’exemple de Bayle, il apprécie plus le sens et les endroits de nouveauté que les qualités de la forme.

On a reproché à Basnage de mêler trop souvent ses réflexions avec celles de l’ouvrage dont il parlait, de sorte qu’il est difficile de distinguer les sentiments de l’écrivain des pensées de celui qui faisait les extraits. Il en convient lui-même, mais il ne pouvait, dit-il, se résoudre à interrompre continuellement le discours en mettant partout des termes qui auraient séparé ce qu’il tirait de son propre fonds. N’est-ce pas d’ailleurs lui reprocher ce qui fait son originalité ? N’y a-t-il pas un art assez délicat et tout neuf, même après les Nouvelles de la République des Lettres, à faire ainsi éliminer le jugement avec l’analyse de l’œuvre ? C’était la prétention