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espèce de raisonnement. C’est sans doute le principal de ces sortes d’ouvrages et la partie qui en est la plus estimable ; mais ce n’est pas tout : il faut encore l’agrément et la vivacité. Plus on a d’exactitude d’un certain côté, plus il faut, de l’autre, une honnête liberté pour tempérer l’austérité qui l’accompagne. Aussi voyons-nous que les auteurs qui ont le mieux réussi dans ce genre, de l’aveu de tout le monde, se sont constamment permis cet ingénieux stratagème. Bayle, dans ses Nouvelles de la République des Lettres, occupé de son sujet, ne l’est pas moins de ce qui peut l’embellir : son imagination féconde lui présente les traits qui conviennent à sa matière, et il les enchâsse avec cette facilité que tout le monde admire. Basnage, dans un goût différent, suit à peu près la même route. Tous les deux, de ce côté-là, mériteraient tous nos éloges, si la liberté dont nous parlons ne dégénérait chez eux le plus souvent en licence, et s’ils ne substituaient, de temps en temps, au badinage ingénieux que nous voulons, les sarcasmes les plus indécents et les invectives les plus passionnées.

On demandera peut-être si les journalistes doivent louer. Nous répondons que les bons ouvrages s’annoncent toujours d’eux-mêmes. La meilleure façon d’assurer leur vogue serait d’insister sur ce qu’ils ont de bon, de neuf, de brillant. Pourquoi faut-il que mille considérations politiques, que d’incommodes bienséances, vous arrachent des louanges quelquefois peu méritées, et qui, lors même qu’elles sont justes, ne peuvent qu’indisposer le public dont vous voulez séduire le suffrage.

D’un autre côté, doivent-ils blâmer, critiquer ? Mais qui pourrait s’empêcher de le faire dans les cas, par exemple, où l’on voit les bonnes mœurs attaquées, ou la religion elle-même livrée aux attaques d’un profane écrivain ? L’impartialité bien entendue ne porta jamais à dissimuler ces attentats ; car il vous est permis alors d’élever la voix, de contredire, d’attaquer avec la force que suggère l’amour du bien et de la vérité. Hors de là, dans les chapitres indifférents, raisonnez en critique, sans passion, sans aigreur : plus votre jugement paraît opposé à l’auteur, plus vous devez mettre de politesse et de douceur dans la forme dont vous