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rival de Bayle, qui promet d’enrichir la Hollande par l’impression d’un dictionnaire où il y aura plus d’érudition et plus d’esprit que dans celui de ce célèbre auteur. Il n’y a rien à rabattre de ces belles espérances. Mais ce grand prometteur d’ouvrages, il y a quelques années que, dans un petit journal qui expira dans sa naissance, il fit une critique de divers journaux, sans les nommer, et concluait par les déclarer tous détestables, excepté le sien, se donnant pour un autre Sallo. Les mêmes idées se retrouvent dans la Critique désintéressée. Il n’y a qu’un peu plus de fanfaronnades et d’injures. Le modeste écrivain ! Il persiste à soutenir qu’il est le seul homme capable de juger des ouvrages. Il y aurait de la cruauté à lui envier cette petite satisfaction. Quoi qu’il en soit, ces grands esprits tombent dans les méprises les plus grossières. et parlent de tout ce qu’ils n’entendent point. En vérité, ces critiques désintéressés, qui s’annoncent comme les grands médecins de la république des lettres, sont bien propres à faire mourir les lecteurs d’ennui ; ce sont des réflexions immédiatement au-dessous du trivial, un style froid, et qui ne sent pas les bouillons de l’âge, pour me servir de leurs expressions ; des tirades de sermon aussi élevées que celles qu’on trouve dans le Pédagogue chrétien : il y a partout un petit air de vanité et de présomption qui sied bien à ces fameux écrivains.

Si vous me demandez pourquoi ces journalistes, dont la plupart sont Français d’origine, écrivent si peu correctement, je vous dirai que, nés dans un pays où la langue est abâtardie, il est bien difficile qu’ils puissent éviter les mauvaises expressions et le tour de phrases hollandais dont leurs oreilles sont continuellement frappées ; malgré toute leur application, ils mêlent toujours à leur style un air étranger. Les Français, même réfugiés, qui ne sont point attentifs là-dessus, le prennent à la longue, à peu près comme ces savants qui, à force de lire d’anciennes chartes d’un latin barbare, perdent cette fleur de politesse que leur avaient donnée les auteurs du siècle d’Auguste. C’est pour la même raison que le français est si corrompu dans les provinces du royaume.